Anatole France et sa Thaïs

Mardi 20 Octobre 2020-00:00:00
' Ayman Elghandour

Avec Thaïs, Anatole France s’intéresse aux mondes d’autrefois, surtout le IVe siècle. Il nous présente cette époque qui se distingue par le déclin de l’hellénisme et le triomphe du christianisme. Les événements se déroulent sous le règne de Constance, après le décès de Constantin en 337. L’auteur raconte l’histoire de Paphnuce, abbé amoureux et Thaïs, courtisane d’une grande beauté. Mais celle-ci meurt après sa pénitence. 

Jacques Suffel affirme qu’Anatole France a « laissé sommeiller dans sa tête, pendant une vingtaine d’années, le sujet de Thaïs, avant d’en faire une nouvelle de quelque dimension ». Il serait utile de rappeler ici que l’auteur a publié son poème « La légende de sainte Thaïs » en 1867, alors que son roman parût en feuilleton dans La revue des deux mondes en 1889, sous-titré « Conte philosophique ». L’auteur y doute de tout. Il exprime son refus du fanatisme, sous toutes ses formes. De plus, il annonce son détachement du christianisme qui étouffe les instincts de l’homme et ordonne aux croyants d’abandonner tout ce qui considérable. Malgré les coupures et les remaniements, Thaïs se montre une œuvre irreligieuse. 

Avant d’entrer dans le vif du sujet, il nous faudrait connaitre les sources livresques de Thaïs. On souligne deux opinions contradictoires : l’une affirme qu’Anatole France a emprunté son roman à Hrostwitha, religieuse du Moyen âge. Aux dires de Ginousse Ardalan : « Anatole France conçut l’idée de ce roman en lisant le théâtre de Hrostwitha, religieuse allemande du Xe siècle, traduit pour la première fois en français par Charles Magnin, et édité à Paris ». 

Loin d’affirmer ou de réfuter cette première opinion, rappelons la seconde qui indique que France a découvert l’histoire de son héroïne, après avoir lu La vie des Pères du désert. Selon Edith Tendron, Sainte Thaïs est « un vieux conte copte qui fut traduit du latin au temps de Théodose par un certain Torannius Rufinus ». Laïla Enan appuie ce qui précède quand elle met en relief les dires authentiques d’Anatole France qui écrit : « J’ai pris la légende, telle qu’elle se trouve en cinquante lignes dans La vie des Pères du désert, et je l’ai développée et transformée en vue d’une idée morale. J’ai réuni autour de Thaïs des philosophes et des théologiens professant des opinions contradictoires. J’ai voulu que Paphnuce perde son âme en voulant sauver celle de Thaïs ». 

De ce qui précède, on remarque que le romancier français a changé les lieux où se déroule l’action, tout en poussant Thaïs à vivre à Alexandrie et en présentant Paphnuce, abbé d’Antinoé. Bien plus, il invente, quand il fait de son héroïne une actrice. Il conviendrait toutefois de préciser que France s’est bien documenté. Il a consulté Marc Aurel de Renan, Les sceptiques grecs de Brochard, La tentation de saint Antoine de Flaubert et Les rêveries d’un païen mystique de Louis Ménard.